J'ai découvert Jay-Jay Johanson en 2002, avec l’album Antenna. Je revois encore cette pochette intrigante : le Suédois torse nu, maigre, coupe orange néo-punk – un brin dérangeant, forcément fascinant. Musicalement, c’était déjà un bijou d’électro et de trip-hop sophistiqué, porté par I Want Some Fun, morceau obsédant digne de I’m Deranged de Bowie.
Il m’aura fallu plus de vingt ans pour enfin le voir sur scène. Hier soir, à La Carène de Brest, l’attente a été récompensée au-delà de toutes espérances.
C'est Jung & I, le projet de Soaz Lescop, qui assurait la première partie. Une prestation tout en douceur, avec des synthés aériens, des boucles électroniques et une belle voix en écho. J'ai trouvé l'instant relaxant et apaisant. Je ne sais pas si c'était l'intention première, mais c'est vraiment l'effet que ça m'a fait : un très joli moment, tout simplement, et une mise en condition idéale pour le concert de Jay-Jay Johanson.
Dès l’ouverture avec le superbe Finally, posé sur la Symphonie n°3 de Brahms – celle que Gainsbourg avait utilisée pour Baby Alone in Babylone – le ton était donné : classe, émotion et perfection dans le chant. On sent le crooner suédois concentré, et il le restera jusqu'à la fin.
Vient ensuite So Tell the Girls That I Am Back in Town, extrait de son tout premier album Whiskey (1996), qui a ramené instantanément les fidèles à la source.
La set-list trouve d'ailleurs un bel équilibre entre anciens morceaux et titres récents, comme le superbe It’s Not Time Yet issu de Kings Cross (2019) ou encore Smoke, tiré de Backstage, son dernier album sorti en mai cette année. Tantôt crooner jazzy, tantôt virtuose du trip-hop feutré, accompagné de deux excellents musiciens, Jay-Jay Johanson nous transporte d'album en album avec une facilité et une maîtrise impressionnantes. Le public est attentif et respectueux, puis chaleureusement expressif dès les dernières notes des morceaux.
Le moment suspendu qui a parfaitement illustré cela : le sublime Whispering Words, chanté a cappella dans un silence total avant une vibrante ovation tellement méritée. Magnifique !
Le concert se poursuit, et la douceur continue avec How Long Do You Think We’re Gonna Last, une ballade splendide toute en retenue, puis Milan, Madrid, Chicago, Paris, où Jay-Jay Johanson me fait penser à Dominique A, à mon sens le seul artiste français capable de se mesurer à la délicatesse et à la beauté des compositions du Suédois. En fin de set, les savoureux Heard Somebody Whistle et Believe in Us viennent cueillir le public une dernière fois avant le rappel.
Retour sur scène et cadeau pour le public français, qui l'apprécie tant, avec L'Amour est Bien Plus Fort Que Nous, reprise plus que parfaite de cette très belle chanson de Francis Lai et Pierre Barouh. Quand on a du talent, on peut se frotter à tout. Le concert se clôt sur I’m Older Now, véritable symphonie finale et majestueuse. Jay-Jay Johanson se lâche, sourit et sautille comme un enfant à qui l'on offre un jouet. Alors que l'on pense le concert terminé, l'artiste s'offre un vrai bain de foule et de joie sur “My Way” version Sid Vicious diffusée en fond sonore. Un moment à la fois étonnant et mémorable, avant de tirer sa révérence.
Pas de I Want Some Fun ce soir ? Qu’importe ! Le concert était magnifique, vraiment.
Jérôme






