samedi 25 mars 2023

THE HOUSE OF LOVE + EggS @ Hydrophone, 23 mars 2023 - Lorient

La belle soirée lorientaise ! Jusqu'au bout je me suis demandé si elle allait avoir lieu. La tempête d'un côté, la colère, les manifestations et les blocages qui ont monté d'un cran de l'autre. Au milieu de cette ambiance hostile, l'Hydrophone, niché dans les bunkers de la base sous-marine est un vrai refuge, un abri. Et puis il y a The House Of Love, ce groupe qui en 1986 sortait un premier album superbe mêlant guitares shoegazes et mélodies sombres. C'était le temps des manifestations étudiantes, le temps où la foule était visible et entendue (Devaquet au piquet !). Trente-sept ans plus tard, le groupe, porté par son leader Guy Chadwick, a été remanié mais est toujours sur les routes, m'offrant ainsi l'opportunité de les voir sur scène pour la première fois. Joie !

C'est EggS qui assurait la première partie de la soirée. Collectif venue de région parisienne, crée en 2018 par Charles Daneau, à la guitare et au chant, autour duquel gravitent plusieurs musiciens permanents ou de passage. On pense aux Byrds, aux Replacements et à Clap Your Hands. Les chansons sont assez courtes et sans temps mort, ce qui rajoute une belle vitalité au set qui file à pleine allure. Et ce saxo qui vient s'ajouter à l'orchestration sans la parasiter d'un solo ou d'une lourdeur jazzy, c'était pas gagné mais c'est un grand oui au final. Le song writing est excellent, le style est atypique, reconnaissable au milieu de la multitude de groupes qui émergent dans l'indie rock hexagonal...bref, à découvrir d'urgence !



Guy Chadwick est désormais seul membre historique aux commandes de House Of Love. Le nouveau line-up est constitué de Keith Osborne (guitare principale), Hugo Degenhardt (batterie) et Harry Osborne (basse). Le set débute timidement avec Cruel puis Christine et Hope. La voix grave de Guy Chadwick est toujours aussi prenante malgré ses 67 ans. Le public lorientais se montre d'emblée chaleureux, enthousiaste et ne cache pas son plaisir à l'écoute des premières notes de The Beatles And The Stones, l'un des tubes du groupe. 
 

Pendant la pandémie, Guy Chadwick a profité des différents confinements pour travailler de nouveaux titres qu'il avait joués lors de concerts en ligne pour ses fans. Cela a abouti à un nouveau Lp sorti l'année dernière et intitulé A State Of Grace. Un album réussi, résolument rock et dont les chansons comme Light Of The Morning ou Sweet Loser sont très bien accueillies ce soir. Idem pour Sweet Water, qui avec le titre phare du groupe Shine On, vient faire remonter l'intensité du concert de plusieurs crans. Une spectatrice viendra même se hisser sur scène pour embrasser un Guy Chadwick tout surpris et amusé. "My wife is here !" lancera-t-il à la salle, tandis qu'un vigile raccompagnait gentiment la dame. Désormais plus détendu et devant un public totalement comblé, la fin de set est un régal. 

  

Petit moment suspendu au rappel avec Fade Away, qui est joué par Guy Chadwick seul à la guitare, avant que le groupe ne le rejoigne pour un final splendide avec I Don't Know Why I Love You et Love In A Car. Le groupe, ravi, quitte la scène de l'Hydrophone sous les acclamations d'un public impeccable du début à la fin. Il est des soirs comme ça ou tout roule, tout prend. Pas besoin d'en faire des tonnes, juste apprécier le moment. C'est aussi simple que ça.

Jérôme

jeudi 16 mars 2023

MORRISSEY @ L'Amphithéâtre, 12 mars 2023 - Lyon

Mardi 22 décembre 1992, j'ai vingt et un ans et je pars en train à Paris voir Morrissey qui passe au Zénith. Je me souviens me retrouver avec mes Dr. Martens et mon perfecto, très mal à l'aise, à boire une bière à La Coupole. Au milieu du décor arts déco et sous le regard des vieilles bourgeoises, j'apercevais mon cousin derrière la vitrine qui hésitait à entrer et qui se demandait bien pourquoi j'avais choisi ce point de rendez-vous. Ma grande amie qui m'avait conseillé ce lieu facile à trouver depuis la gare Montparnasse en rigole encore. Je me souviens des chemises colorées scintillantes que le leader des Smiths portait tout au long du concert. Je me souviens d'une ambiance énorme et d'un concert superbe qui sera d'ailleurs son premier album live : Beethoven Was Deaf. C'était le temps où les tickets de concert étaient beaux, on les achetait par courrier des semaines avant sur Best ou Rock & Folk. Tout le monde clopait dans la salle et on se cherchait un hôtel après le concert au hasard des rues. Trente ans après, à l'Amphithéâtre de Lyon, au moment où les lumières se sont éteintes, annonçant le début du show, j'avais quelques frissons et des souvenirs plein la tête.


Les performances live de Morrissey sont assez rares en France, surtout hors Paris (Lyon est l'une des quatre dates françaises de la tournée), et l'on ressent toute l'excitation du public venu d'un peu partout y compris de l'étranger. À 63 ans, le Moz est toujours aussi élégant et sa voix est vraiment impeccable. Accompagné de cinq musiciens brillants, la star britannique a offert un concert somptueux à ses fans, mêlant les chansons de ses treize albums à celles des Smiths (cinq seront jouées ce soir). Cerise sur le gâteau, des nouveaux titres sont aussi joués et laissent entrevoir un excellent album à venir. Morrissey s'en amuse : "Malgré tous ceux qui me conseillent d'arrêter, j'ai décidé de sortir un nouvel album...".
 

En arrière plan des photos agrémentent chaque chanson. Frankenstein, Steve McQueen, Oscar Wilde, Yves Montant pour ne citer qu'eux. Sur The Bullfighter Dies, ce sont des extraits sanglants de corrida qui sont projetés. L'ex-leader des Smiths est un militant végan, il a toujours dénoncé le barbarisme envers les animaux de façon assez frontale et cette séquence ne fait pas exception. Côté public, les fans sont bouillants. Ils lui tendent des fleurs, des lettres et des cadeaux qu'il prend ou qu'il ignore, simulant à merveille la star blasée. À la jeune fille qui brandissait depuis le début une pancarte lui demandant de chanter There Is A Light, chanson emblématique des Smiths, Morrissey lui répondra gentiment : "Vous vous fatiguez pour rien car je ne la chanterai pas...". Personne ne lui en voudra car les joyaux sont là : Everyday Is Like Sunday, Stop Me If You Think You've Heard This One Before, Half A Person, The Loop, Suedehead et le sublime Trouble Loves Me, l'un des moments forts de la soirée.



La fin de set est compliquée pour la sécu. Les fans tentent de monter sur scène pour enlacer leur idole. Ce jeu là dure depuis près de quarante ans et c'est devenu un tendre rituel auquel Morrissey se prête sans rechigner. Les deux ou trois gaillards qui surveillent le devant de la scène ne sont pas de cet avis et plaquent sans ménagement celui ou celle qui s'extirpe des rangs. Certains y parviennent et repartent aussitôt l'exploit accompli. Sur le furieux Sweet And Tender Hooligan qui clôture le concert, Morrissey jette son t-shirt dans la foule qui se l'arrache littéralement. Un membre du staff passera ensuite plusieurs minutes à séparer ceux qui s'accrochaient à leur bout de tissu, en découpant des petits morceaux avec une méga paire de ciseau. Je n'avais encore jamais vu ça !

 

Les retrouvailles sont déjà terminées, je n'aurais pas refusé 15 à 20 minutes de plus mais je ne vais pas bouder mon plaisir. Morrissey est toujours Morrissey. Dans l'attitude, dans la voix et l'effet qu'il produit sur son public ne s'est jamais estompé malgré les années. Promis, on se revoit avant trente ans !

Jérôme



jeudi 9 mars 2023

THE STRANGLERS @ La Carène, 8 mars 2023 - Brest

Depuis leur dernier passage à La Carène en 2017, Les Stranglers ont perdu deux de leurs membres fondateurs : Jet Black, qui n'officiait plus à la batterie depuis un moment, et Dave Greenfield qui nous avait émerveillé aux claviers avec son jeu gothique caractéristique. Partis siffler des pintes en enfer, les deux étrangleurs ont été remplacés par Jim Macauley (depuis 2013) et Toby Hounsham. Aux côtés de Jean-Jacques Burnel le taulier et Baz Warne, arrivé il y a plus de vingt ans, ils perpétuent la légende de ce groupe qui approche des cinquante ans de carrière, rien que ça ! Disparitions, confinement...plus d'un aurait débranché les amplis, Les Stranglers, eux, ont repris la route et sorti un dix-huitième album : le superbe Dark Matters. C'est aussi à ça que l'on reconnait les grands groupes. "Nous sommes habillés en noir, nous portons des Dr. Martens et nous allons continuer" résumera parfaitement Jean-Jacques Burnel avant de balancer son riff de basse sur Nice 'n' Sleazy. Pas mieux !

En ouverture de soirée Brother Junior est venu jouer un indie rock penchant americana très bien ficelé. D'abord aérée, la salle s'est remplie pendant le set et le public a bien mordu à l'hameçon du groupe emmené par Jullien Arniaud allant jusqu'à reprendre en chœur le refrain de I Deserve Love, single issu de leur Ep Buck Up. Le meilleur compliment sera celui de Jean-Jacques Burnel encore une fois, qui interpellera le public un peu plus tard au sujet de Brother Junior d'un malicieux "Vous avez vu comme ils sont bons ? Pourtant ils sont Français !".


La suite est un gros kiff de deux heures. De Waltzinblack, leur légendaire intro, jusqu'à No More Heroes qui clôture le concert. Comme un symbole, les deux albums les plus représentés du show sont Rattus Norvegicus et Dark Matters, le premier et le dernier Lp. Une set-list impeccable où vont défiler les titres emblématiques du groupe Toiler On The Sea, Always The Sun, Peaches, Hanging Around, European Female, Walk On By avec une mention spéciale pour La Folie, et surtout Golden Brown magnifiquement jouée et chantée par Baz Warne. 




Les nouvelles chansons prennent une belle envergure en live et s'intègrent parfaitement aux anciens morceaux. Water, This Song, The Last Men On The Moon, ont toutes "la marque" des Stranglers. Orgue ensorcelant, et basse agressive et omniprésente. Jean-Jacques Burnel et Baz Warne se relaient au chant, soutenus par Jim Macauley et Toby Hounsham aux chœurs sur la plupart des titres. Le public est sage, attentif et visiblement ravi du spectacle. Il faut dire que Jean-Jacques Burnel y met du sien. Le bassiste franco-anglais fait comme à son habitude un festival de provocations, piquantes certes mais jamais méchantes. Florilège :
- Bonjour à tous, même aux gens là-haut au balcon, mais nous on s'adresse au peuple en bas...
- La différence entre un public anglais et un public français...l'alcool bien sûr !
- Précoce ! (à sa bouteille de bière qui déborde de mousse)
- Je vois qu'il y a beaucoup de retraités ici, j'ai la solution. Une idée de génie ! Macron devrait baisser l'âge de départ à la retraite comme ça les Français voudront travailler plus, juste par esprit de contradiction...
So British !



Le premier rappel est intime. Baz Warne et Jean-Jacques Burnel sont assis sans leurs jeunes camarades et interprètent The Line. Eloge du temps qui passe et des rides que l'on dénombre sur un visage qui a vécu. Enfin, un bel hommage est rendu à Jet Black et Dave Greenfield avec l'émouvant And If You Should See Dave...Après ce doux moment, c'est au complet que les Stranglers reviennent pour un ultime tour de chant pied au plancher avec Go Buddy Go et No More Heroes. L'ovation du public salue un excellent concert et un succès mérité pour ce groupe toujours aussi charismatique et dont l'empreinte laissée dans le cœur des gens saute aux yeux et aux oreilles. C'est aussi clair que le mot "complet" écrit en grand à côté de chacune de leur date de tournée.

Jérôme