Chaque année, le Label Charrues met un coup de projecteur sur deux groupes ou artistes émergents de la région et leur offre un appui fort dans leur développement artistique. Ce parrainage se traduit également par un soutien logistique, financier et par une tournée gratuite dans quatre salles bretonnes (cette année L'Echonova, La Carène, L'Ubu et Bonjour Minuit) avant un live attendu sur la scène Grall du festival des Vieilles Charrues en juillet. Depuis 2014, en véritable dénicheur de talents, le label Charrues a accompagné Totorro, The Same Old Band, Fragments, Colorado, Sônge, Atoem, Di#se, Dewaere, La Battue et Championne pour ne citer qu'eux. Pour cette nouvelle édition, les heureux élus sont Fallen Alien (Frehel) et Horizontal Francis (Landerneau) avec en première partie Ne Rangez Pas Les Jardins (Loc-Envel).
Label Charrues 2025, c'est parti !
Trois sur scène, puis quatre et enfin cinq pour cette soirée qui s'est étalée sur plus de trois heures. Il y a du beau monde dans le hall de La Carène. J'aperçois Jeanne Rucet et Jean-Jacques Toux, programmatrice et programmateur des Vieilles Charrues venus superviser leurs protégés ainsi que plusieurs représentants de la scène Rock brestoise (Gwendoline, Lesneu et Bantam Lyons entre autres). Ne Rangez Pas Les Jardins ouvre le bal avec sa poésie rock qui attrape le public direct. Rock, Jazz, Folk, on oscille entre l'univers de Dominique A et celui de Serge Teyssot-Gay. Dans un style assez frontal et théâtral, la magnétique Léa Digois interpelle le public avec des textes sombres sur lesquels Louis Hamon, Swann Yde et elle, posent une griffe très esthétique et parfois violente. Belle découverte !
Un noyau dur frère/soeur (Clément et Coline) est à la base de Fallen Alien. Le jeune groupe originaire de Frehel assurait il y a un an, la première partie de Championne et de Our Lights au Run Ar Puns pour la soirée Label Charrues 2024...une progression logique pour Fallen Alien qui s'est déjà produit sur la scène du festival Art Rock l'année dernière et qui est sur le point de sortir son premier album. Dans un style assez planant, Coline alterne spoken word à la Kae Tempest et envolées Katebushiennes tandis que Clément et ses deux acolytes jouent un Indie Rock qui rappelle parfois MGMT comme sur Porosity dont le clip est disponible ici. Visiblement ravis de se produire à Brest où ils ont vécu quelques temps, les Fallen Alien ont reçu un très bon accueil du public et quittent la scène après une prestation convaincante.
Changement d'ambiance avec Horizontal Francis. Le groupe débute avec Gros Balèze : véritable tuto loufoque de self-défense issu de leur Ep Au Revoir Chevals, sorti il y a plus d'un an maintenant. Horizontal Francis c'est un mélange de Fauve, Gwendoline et de Bref. Leur répertoire est un recueil d'histoires absurdes et déjantées dans un style proche de l'écriture automatique ou de l'impro. Autodérision et cynisme sont de mise chez Horizontal Francis qui est au Rock français ce qu'Arne Vinzon est à la New Wave : pas forcément pris au sérieux au premier abord et pourtant diablement efficace et très bien foutu. Comme ils le disent si bien dans leur chanson éponyme : c'est pas du Vianney non plus...faut p't être pas déconner ! Pas mieux !
Fallen Alien et Horizontal Francis sont à retrouver :
- le mercredi 4 juin à l'Ubu de Rennes
- le vendredi 13 juin au Bonjour Minuit de Saint Brieuc
Retour aux affaires après un mois d'avril tranquillou. Au programme : Cucamaras et Chafouin, deux groupes, aux styles bien différents et que je ne connaissais pas vraiment. Ceci dit, quelques écoutes cette semaine m'ont permis d'échauffer mes oreilles comme il faut et d'arriver à la Carène plutôt confiant pour cette soirée découverte.
Les travaux et la fermeture du pont de l'Iroise, ça...je ne l'avais pas vu venir ! Déviation, timing chamboulé et arrivée à La Carène en plein milieu du set de Chafouin, à l'œuvre depuis vingt bonnes minutes dans la salle bien remplie. Pas évident de décrire la musique complexe et déroutante du trio brestois qui affiche neuf albums au compteur (le dernier en date "Tout Ce Qui Reste" est sorti le mois dernier). Expérimental, Noise Rock, Electro,...la basse est omniprésente et se mêle aux percussions, boucles électroniques et à la guitare en mode transe. Nul besoin de paroles, le dernier morceau joué est dédié à La Palestine, un trip instrumental puissant, intense qui termine en beauté ce (demi) set d'un inclassable et captivant Chafouin.
Dans la catégorie des jeunes groupes anglais prometteurs, Cucamaras coche toute les cases. Attitude de branleurs assumée, une énergie communicative et un style Punk Rock Indé qui fait mouche dès les premiers riffs. Le petit plus qui pourrait faire sortir Cucamaras de la mêlée se trouve peut-être chez ses chanteurs guitaristes (dont l'un ressemble à un Dylan électrique version 1965). Tous deux, assez opposés au niveau du style et du chant mais qui pourtant se complètent parfaitement sur scène. Originaires de Nottingham, on retrouve chez ce quatuor de nombreuses influences : Arctic Monkeys sur Wilmslow Storm et Death Of The Social, Fontaines D.C. sur Greener Lands, Shame sur Bleachers Yard, bref...pas les références les plus mauvaises. Mention spéciale aux excellentsLaughing, Western et Clothesline, tous trois issus de leur dernier Ep. Programmés il y a deux ans au Festival De La Mer, les Cucamaras ont évoqués à quel point ils avaient aimé s'y produire lorsqu'ils ont aperçu, dans le public, un spectateur portant un sweet du festival. Joli clin d'œil ! On pourrait penser que Cucamaras n'est qu'un groupe de plus en provenance d'Angleterre, pays qui en compte tant dans le genre, pourtant, il y a chez eux un je ne sais quoi qui pourrait faire la différence. L'avenir le dira ! Le set se termine avec Spoken Word, le public réclame un rappel mais le groupe n'ayant plus rien à jouer se contentera de venir saluer une dernière fois. Tss...
À 69 ans Peter Hook, bassiste de Joy Division/New Order au jeu reconnaissable entre tous, trace son chemin avec sa propre formation, The Light, depuis presque 20 ans maintenant, régalant les fans du monde entier avec des concerts "marathon" digne du Boss. Le mancunien s'est lancé pour objectif de jouer la totalité de la discographie de ses deux groupes au fil des tournées et des années. Un vrai cadeau pour les fans de New Order mais aussi pour ceux de Joy Division car certaines chansons du groupe n'avaient jamais été jouées en live auparavant (Ian Curtis, chanteur iconique de Joy Division, s'étant donné la mort avant la sortie de Closer leur second album). Taulier du post-punk, pionnier du mouvement Madchester et de la vague Acid/House qui a déferlé sur l'Europe fin 80's, co-propriétaire d'un des night-club les plus importants de l'histoire de la musique (l'Haçienda), bagarres, drogues, faillite, procès, excès en tout genre...Peter Hook a eu une vie agitée mais est toujours là ! Il demeure aujourd'hui, à juste titre, une légende vivante et sans surprise, ce concert ainsi que tous ceux de sa tournée affichent complet.
Cette date brestoise est la dernière de la tournée Substance où Hooky reprend l'intégralité des deux albums/compilations de New Order et de Joy Division. Pas de première partie puisque le groupe joue près de 3 heures ! Le concert débute avec Crystal, Regret puis What Do You Want From Me ? titre du groupe Monaco que Peter Hook avait fondé fin 90 avec David Potts, le guitariste de The Light, sur scène aujourd'hui. Après cette intro changeante à chaque concert de la tournée, place à l'album Substance de New Order. Pendant 1h30, passage en revue des hits du groupe en commençant par Ceremony titre symbole par excellence puisqu'il demeure le dernier écrit par Joy Division et le premier sorti par New Order.
La première partie du set est très bonne avec les emblématiques Temptation, Everything's Gone Green, Confusion, The Perfect Kiss et bien entendu Blue Monday, peut-être le plus gros tube de New Order, que la foule accueille d'une belle clameur. Peter Hook, plié en deux sur sa basse qu'il balance au niveau de ses genoux, vient dès qu'il peut au plus près de la scène regarder son public droit dans les yeux avant de retourner au micro, bras levé et tournoyant. À sa droite, un autre bassiste, plus jeune, au même physique, s'active autant que son ainé : c'est Jack Bates le fils de Peter Hook qui l'accompagne depuis plus de 10 ans maintenant. Les chiens ne font pas des chats ! La seconde moitié du set est moins convaincante. Les chansons comme Sub-Culture, Shellshock, State Of The Nation et Bizarre Love Triangle sont vraiment ancrées période 80's et vieillissent un peu mal je trouve. L'ambiance redescend d'un cran même si True Faith, qui clôture cette première moitié de concert, trouve un bon accueil auprès du public. Le groupe fait ensuite une pause de quelques minutes avant de revenir en mode Joy Division. Peter Hook semble plus grave, dédie ce set à Ian Curtis et la soirée prend une allure plus solennelle. Le ton est beaucoup plus dur, la voix de Hooky est plus adaptée à ce registre, c'est un tout autre concert qui débute.
Aucune fausse note et aucun ennui dans cette seconde partie de concert. C'est brut, rock, sombre et on mesure à l'écoute de Warsaw, Digital, Leaders Of Men, Autosuggestion ou Disorder, toute l'influence que Joy Division a pu avoir sur les générations entières de groupes. De Killing Joke qui est arrivé dès 1980 jusqu'à Frustration aujourd'hui. Le public semble plus apprécier également et pogote au milieu de la salle. La dernière ligne droite du set est superbe : Transmission, She's Lost Control, Shadowplay, Incubation puis Dead Souls. Peter Hook explique avec émotion qu'elle était la chanson préférée de Ian Curtis et qu'il aimait danser dessus lors des concerts pendant la longue intro du morceau et ainsi voir la réaction du public interloqué de le voir exécuter sa fameuse "Epilepsy Dance". Cette séquence qu'évoque Peter Hook est l'une des scènes cultes du très bon film "Control" d'Anton Corbijn qui retrace la vie de Ian Curtis. Le concert touche à sa fin, le final est splendide avec les très attendus Atmosphere et Love Will Tear Us Apart, hymne intemporel repris par toute la salle. Quel plaisir ! Peter Hook, toujours aussi généreux et sincère avec son public, quitte la scène de La Carène le devoir accompli, non sans avoir jeté son tee-shirt dans la foule et embrassé son fils. Excellent concert !
Après deux concerts axés folk (Cat Power puis Timber Timbre), le temps était venu de repousser le potard du volume en butée. La Carène proposait ce vendredi la soirée idéale pour replonger dans le bain à remous avec DITTER et IT IT ANITA. D'un côté, un joyeux post punk décomplexé, de l'autre un rock noisy puissant et ravageur. De quoi se décaper le conduit auditif et préparer son body summer festival de la meilleure des façons. Let's go !
Vous expliquer comment on s'est tous retrouvé à chanter en cœur le refrain Bz Bz Bzzzzzz Blop Blop, soit le bruit d'un vibromasseur en action (que vous avez tous reconnu bien entendu), ce n'est pas bien compliqué. C'est tout simplement que Ditter est assez irrésistible sur scène et on se prend très vite au jeu, côté chant et côté "bouge ton corps". La rythmique de Sam et François, respectivement à la basse et à la guitare, est imparable et la présence scénique de la pétillante Rosa, au chant, est tout aussi efficace. Le style musical du groupe est assez large, le côté club de Follow No One et de Me Money & Politics peut rappeler M.I.A ou The Dø quant à I Do Hate You ou Lalala Song, elles naviguent plutôt vers The Libertines ou Wet Leg.
Ce qui émane surtout de Ditter c'est un plaisir immédiat ! Des chansons très accrocheuses dotées d'une pointe d'humour et d'une bonne humeur très communicative, un vent rafraichissant même à travers des textes sérieux comme Cherche Pas(seul titre chanté en français), qui aborde le sujet du consentement, sur un tempo rock soutenu, à la Mademoiselle K. Le set est passé très vite, je ne me suis pas ennuyé une seconde à voir cet hydre à trois têtes s'agiter devant nous et nous manger tout cru depuis les premières notes du concert jusqu'aux dernières. Mention spéciale à U Need A Break, que j'ai trouvé particulièrement jubilatoire. Belle découverte !
Le changement de plateau est l'occasion de passer au Merch féliciter le trio de Ditter, en place et tout sourire pour dédicacer son Ep : Me Money & Politics. Je profite de cette pause pour saluer les darons de Fréquence Mutine et du Novomax que je croise près du stand de Christophe Mevel de Bad Seeds, venu avec quelques bacs contenant les plus belles galettes de son shop. Je vois l'album de Beth Gibbons, Lives Outgrown sorti ce jour et produit par Lee Harris, le batteur de Talk Talk, c'est parti pour de savoureuses minutes d'échanges sur notre amour commun pour ce groupe fabuleux. Colour Of Spring, Spirit Of Eden, Laughing Stock, 'O'Rang, tout y passe...nous aurions pu en parler des heures. C'était bien sympa !
Retour dans le Club de La Carène, où il fait déjà super chaud avant même le début de set de It It Anita, ça promet ! J'ai le souvenir du passage du groupe au festival invisible 2019 ici même enfin dans le hall (et pas dans le couloir comme l'a évoqué, pendant le set, Elliot, à la basse 😄). Quatre sur scène à l'époque, trois aujourd'hui après le départ de Damien Aresta, et ça fait encore plus de bruit ! Reste Michaël Goffart (chant et guitare), Elliot Stassen (chant et basse) et Bryan Hayart (batterie), absent ce soir et remplacé par un autre batteur très efficace dont j'ignore le nom.
L'entrée en scène sur Proud Mary de Creedence Revival est un leurre, tout comme la pochette de Mouche, leur dernier album, qui est un gros plan d'un golden retriever tout choupinou. Parce qu'avec ces gars là, musicalement on est plus sur du pitbull terrier ou du rottweiler. Disposés face à face sur scène, Michaël et Elliot se partagent le chant et se renvoient le bâton de dynamite. Brutal et rapide, It It Anita a musclé son jeu (encore plus) sur ce troisième album défendu ce soir sur scène. L'énergie dépensée est impressionnante, les titres sont puissants à l'image de Disgrace, Crippling Guilt, Don' Bend (My Friend) ou encore Ode To William Blake que j'ai vraiment beaucoup aimé.
Le public est au taquet et est très communicatif, ce qui semble ne pas déplaire au groupe liégeois. "C'est la troisième fois qu'on joue à Brest, c'est toujours génial...maintenant il nous faut encore de l'eau parce que pour vous c'est l'ouest mais pour nous c'est le sud ici !" explique Elliot, amusé, en reprenant son souffle. Michael lui, profite de ces quelques temps morts pour changer sa guitares après l'avoir martyrisée sans ménagement. Le groupe continue en mode Beastie Boys avec Psychorigid, puis revient au hardcore avec 11, titre plus ancien issu de l'album Laurent, et Kinda The Same, un des sept morceaux de Mouche joués ce soir. Fin du set sur le Grohlien NPR, riffs superbes et distorsion à vous retourner le cerveau puis Giving:Taking alternant calme et rage.
Le public est cabossé mais en redemande, le groupe s'exécute et revient pour le dernier uppercut : 9 Lives et User Guide qui clôturent parfaitement cette grosse heure de furie belge. Habitué aux tempêtes, le public brestois s'est bien fait secoué ce soir. It It Anita n'a pas failli à sa réputation de groupe à l'énergie folle et furieuse et sera à l'affiche du Festival de la mer à Landunvez (29) le 26 juillet. Préparez-vous !
C'est dans le cadre du festival Longueur d'ondes que le trio normand de GaBLé a fait son grand retour après sept années consacrées à d'autres projets. Nous n'avions pas revu le groupe depuis l'édition 2013 du festival Beauregard où le groupe jouait "à domicile" et nous avait fait une très forte impression. Toutes ces années sans GaBLé ce n'était pas raisonnable du tout ! Il était grand temps de remettre les pendules à l'heure et de se rappeler à quel point ce groupe est unique.
À notre arrivée dans le grand hall de La Carène, Mathieu, Gaëlle et Thomas, les trois membres de GaBLé, sont tranquillement parmi les spectateurs en attendant l'ouverture du Club où se prépare Gærald qui assure leur première partie. C'est assez naturellement que nous nous retrouvons à discuter avec eux non loin du stand merchandising où sont proposés vinyles, cd, livrets de paroles et cartes postales du groupe. En l'espace de quelques minutes nous évoquons leur excellent dernier album PiCK THe WeaK (le 7ème en vingt ans) tout juste sorti il y a six jours mais aussi leurs précédents passages en Finistère, notamment aux festivals Invisible et Chacal à Poil dont la simple évocation a fait briller les yeux de Mathieu qui nous a confié en garder un souvenir impérissable. Il n'est pas le seul puisque toute la Fanbase finistérienne de GaBLé s'est visiblement donné rendez-vous se soir à La Carène pour ces retrouvailles.
Gærald semble tout droit sorti de l'univers BD de Wuvable Oaf. Personnage authentique et attachant en plein cycle ballade cold wave, lui qui explique au public avoir eu sa période électro/short en cuir. Une très belle voix tout juste soutenue par un fond de basse et quelques nappes de synthés qui n'ont pas suffit à nous faire entrer dans son univers comme dirait la grande chanteuse française Jennifer 😁. Cependant, une bonne partie du public semblait bien séduite par la sensibilité de Gærald, et a réservé un bel accueil à ses nouvelles compositions qui traitent aussi bien le sujet de l'amour et du fantasme que celui de la condition de la plante de bureau.
Comment qualifier la musique de GaBLé ? Une expérimentation musicale permanente, un grand écart allant du Punk à L'IndieRock en passant par l'Électro et le bruitage DIY. Il y a du Talking Heads, du Têtes Raides, du Sleaford Mods, du Canned Heat et du Michel Gondry dans le mixeur de GaBLé. Si ce groupe était un album des Beatles, ce serait Yellow Submarine à n'en pas douter. Débrouillez-vous avec ça ! Leur dernier opus sorti la semaine dernière est peut-être le plus "léché" et le plus accessible de leur discographie. Seul bémol : sa durée. 31 minutes...on est à peine rassasié. Revenons au live qui débute tout naturellement avec FRuiTioN, le titre qui ouvre ce nouvel album.
Le groupe avoue rapidement "avoir un peu les jetons" après cette longue période sans jouer sur scène. Inquiétude vite chassée grâce au public enthousiaste et chaleureux d'entrée de jeu. Comme à leur habitude, Mathieu, Gaëlle et Thomas se partagent le chant, ensemble à deux ou trois voix ou bien à tour de rôle, récitants parfois chaque mot d'une phrase l'un après l'autre sur certains titres. Un exercice de style très bien maitrisé et qui est l'une de leurs particularités. Côté instruments c'est un régal aussi bien auditif que visuel : guitare, synthé, percussions, xylophones, flûte, peau de batterie, piano miniature, clochettes, mais aussi peigne, boite de conserve, douille, cris d'animaux sur bande magnétophone, jusqu'à la fameuse cagette que Thomas martyrise en fin de concert sur DRuNK FoX iN LoNDoN.
Tout, chez GaBLé est hors des codes habituels, de la musique jusqu'au lettrage du groupe reconnaissable entre tous. Mention spéciale à Purée Hiphop et son phrasé épileptique, au superbe PoRTi qui bascule entre bug informatique et transe électro et à iNSTRuCTioNS où le groupe est capable d'interrompre une grosse rythmique de guitare pour y glisser trois notes de xylophone. Irrésistible ! Le public est au taquet, ça danse devant la scène sur We_LooK_AWay et ça joue le jeu sans se faire prier lorsque Thomas l'interpelle sur WHo TeLLS you?
Les nouveaux morceaux prennent en live une densité évidente et s'intègrent parfaitement aux titres plus anciens pour former un ensemble cohérent et qui reste pourtant d'une originalité sans égale. Le retour sur scène est totalement réussi pour GaBLé, groupe euphorisant et talentueux à découvrir d'urgence pour les novices et à retrouver au plus vite pour les autres. Brest était la première date d'une tournée de trois mois dont les détails sont à retrouver sur les réseaux sociaux du groupe. Gaëlle, Mathieu et Thomas, un grand merci pour cette superbe soirée !
L'indispensable Festival Invisible a cette réputation de faire découvrir aux oreilles curieuses de véritables pépites musicales dénichées ça et là, dans les méandres de la scène underground internationale. Pour ma part, je garde des souvenirs mémorables des passages de Stanley Brinks, Rats On Rafts, It It Anita ou encore Motorama, pour ne citer qu'eux. Pour cette 18ème édition, la programmation de Micah P. Hinson est, encore une fois, un coup de maître de la part des organisateurs. L'Américain au parcours très cabossé (homeless, addictions, dépressions, accident grave...) est l'un des songwriters les plus talentueux de sa génération et ses prestations live, parfois inégales, sont toujours très intenses. Il y a plus de sept ans, je l'avais vu à Port Louis à La Chapelle Saint-Pierre pour un concert aussi incroyable que bancale et que je n'ai jamais oublié. Je me faisais donc une joie de le revoir après tout ce temps, même si, honnêtement, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre.
C'est d'abord le groupe Gros Cœur, venu de Belgique, qui avait ouvert les hostilités sur la scène du Hall. Distillant un Rock Psyché Tropical groovy et très dansant, les quatre lascards de Gros Coeur ont carrément enflammé le public à grand coup de percussions, guitares et jeu de basse à la Jah Wobble. Le style musical du groupe m'a rappelé le très bon concert des Québécois de Chocolat ici même en 2016 ou encore celui du groupe normand Cannibale venu à Brest en 2019. Irresistibles Java, Ventre Volcan, Monique... Je ne peux que vous conseiller l'écoute de Gros Disque, l'album de Gros Coeur. Gros Kif assuré ! (Je n'ai pas pu m'en empêcher).
Micah P. Hinson, natif du Tennessee, est un descendant direct du peuple Chickasaw, une de ces communautés vivant il y a plusieurs siècles en Amérique, avant la création des Etats-Unis. L'homme est atypique : allure de cow-boy désenchanté et fragile, chapeau qui recouvre une longue tresse au milieu d'un crâne rasé, une guitare qu'il porte presque jusqu'au cou et surtout une voix incroyable, unique, cabossée qui donne à ses compositions une noirceur déchirante. Depuis vingt ans, il chante ses douleurs et ses inquiétudes dans un style dépouillé et tourmenté, qui s'apparente au genre Dark Folk ou Violent Country. Ce soir, dès les premiers morceaux joués, j'ai compris que personne ne sortirait d'ici indemne. Sur Ignore The Days, magnifique chanson de séparation, l'émotion est palpable. Le visage grave, les yeux humides...l'artiste se dévoile comme jamais et bouleverse le public dès le second morceau. Un frisson de dingue !
Il en sera de même pour le somptueux Does It Matter Now ? Encore une fois, vu la beauté de la compo, on ne peut que valider le fait que les ruptures sont à l'origine des plus belles chansons d'amour. Attention, pas de supplication "à laJacques Brel" chez Micah P. Hinson, mais plutôt un constat sombre et froid sur un désastre relationnel et le gâchis qui en résulte. Malgré son air triste, Micah P. Hinson n'est pas sans humour : "La prochaine chanson a été écrite par un Canadien, donc ne me blamez pas trop..." lâche-t-il sourire en coin avant de reprendre Tinseltown Swimming In Blood des Destroyer. Les pépites s'enchainent : People, Oh No, Carelessly, le sublime Beneath The Rose mais aussi Walking On Eggshells et son couplet de cinglé : "One, two, three, four, gimme a hammer and i'll show you your brain/Un, deux, trois, quatre, donne-moi un marteau et je te montrerai ta cervelle...".
Micah P. Hinson est accompagné sur scène de Paolo Mongardi à la batterie. Le musicien italien alterne silences, coup feutrés, jeu doux sur cymbales et tempo puissant selon le morceau. C'est parfaitement exécuté et le rendu est vraiment excellent. Les regards satisfaits que lui lance le chanteur en disent suffisamment sur la bonne entente entre ces deux-là. Ils quittent la scène après Tell Me It Ain't So, rare morceau ou Micah P. Hinson troque sa guitare sèche pour une électrique.
Le rappel ne se fait pas attendre, et c'est Please Daddy (don't get drunk for Christmas), splendide reprise de John Denver, qui figure sur I Lie To You le dernier album de Micah P. Hinson, dont sept titres seront joués ce soir. Une belle et amusante dédicace à sa compagne (qu'il harcèle de demandes en mariage) sera faite avant There's Only One Name, pur morceau country qui aurait mérité un banjo pour coller encore mieux à l'ambiance. Le dernier titre joué est Diggin' A Grave, hymne funèbre et entraînant datant de 2006 et remis en lumière cette année en tant que générique de la très bonne série Des Gens Bien diffusée sur Arte. Le concert s'achève là, sous les ovations d'un public encore sous le coup d'avoir encaissé autant de sincérité et d'authenticité de la part d'un artiste unique, bouleversant et dans un très bon jour.
Après un concert pareil, j'avoue sans détour n'avoir jamais pu entrer dans le rock déjanté et avant- gardiste de Badaboum qui a pris le relais sur la scène du Hall. On pense à Yoko Ono, sur des paroles en allemand, le tout sur un tempo inégal et volontairement agressif. Pas facile d'accès et définitivement pas mon truc. Le public, lui, était nombreux et bien regroupé devant la scène et m'a semblé apprécier et c'est bien là l'essentiel. Je reporte à plus tard ma découverte de Piët Du Congo qui clôturait la soirée. je suis resté bloqué sur la prestation de Micah P. Hinson et j'ai bien du mal à descendre de mon nuage pour écouter autre chose pour le moment.
La curiosité est un super défaut. C'est le leitmotiv des soirées découvertes proposées par La Carène plusieurs fois par trimestre à un tarif très attractif voire symbolique pour les abonnés. L'affiche est toujours alléchante et celle-ci ne fait pas exception. D'un côté le rock israélien envoutant de Tamar Aphek, de l'autre, la pop sombre psyché tendance shoegaze de You Said Strange, le groupe normand qui fait l'unanimité partout où il passe. Voilà pourquoi, super curieux j'étais.
Originaire de Giverny, You Said Strange s'est constitué, en moins de cinq ans, un parcours qui impressionne. Un album enregistré à Portland, une tournée américaine, une session live pour la mythique radio KEXP, une tournée anglaise, une pluie de critique positive pour la sortie, il y a quinze jours, de leur dernier ouvrage : Thousand Shadows Vol.2. Pas de hasard ou de chance ici, You Said Strange possède une élégance et un talent indéniables et une vrai "patte" musicalement parlant. Nous les avions découvert l'été dernier au festival Beauregard et notre sentiment s'est renforcé encore un peu plus après cette très belle prestation ce soir. Treize titres ponctués de noirceur, de réverb et de puissance qui vous transpercent lentement sans vous lâcher une seule seconde. Mention spéciale à Treat Me, véritable bijou au milieu de gemmes qui brillent tout autant. Sur cette tournée, le groupe se produit sans son bassiste Martin Carrière, convalescent et à qui son frère Eliott, au chant, adressera un touchant message avant Eastern Side, autre pépite du dernier Lp. La dernière chanson jouée est une reprise de Hank Williams, I'm So Lonesome I Could Cry, que You Said Strange s'approprie sans trembler, encore un signe qui ne trompe pas. Excellent !
Sentiment plus mitigé pour Tamar Aphek, avec un set qui pourtant démarrait sur les chapeaux de roues. La chanteuse guitariste israélienne est entourée de trois zicos débordants d'énergie. Gros son Rock sur Russian Winter tendant vers le Psycho sur l'excellent Corridor. Avec des morceaux bien plus pêchus en live que sur son album All Bets Are Off, Tamar Aphek surprend son monde jusqu'à ce que le concert ralentisse assez franchement sur la seconde moitié du concert. Stories, Dream Inside A Dream et Big Commotion font prendre un virage plus nébuleux au set et l'ambiance baisse d'un cran. Dommage, la dynamique était vraiment bonne. L'intensité revient enfin avec le très bon Star Quality qui clôture une prestation qui convainc par intermittence.
Depuis leur dernier passage à La Carène en 2017, Les Stranglers ont perdu deux de leurs membres fondateurs : Jet Black, qui n'officiait plus à la batterie depuis un moment, et Dave Greenfield qui nous avait émerveillé aux claviers avec son jeu gothique caractéristique. Partis siffler des pintes en enfer, les deux étrangleurs ont été remplacés par Jim Macauley (depuis 2013) et Toby Hounsham. Aux côtés de Jean-Jacques Burnel le taulier et Baz Warne, arrivé il y a plus de vingt ans, ils perpétuent la légende de ce groupe qui approche des cinquante ans de carrière, rien que ça ! Disparitions, confinement...plus d'un aurait débranché les amplis, Les Stranglers, eux, ont repris la route et sorti un dix-huitième album : le superbe Dark Matters. C'est aussi à ça que l'on reconnait les grands groupes. "Nous sommes habillés en noir, nous portons des Dr. Martens et nous allons continuer" résumera parfaitement Jean-Jacques Burnel avant de balancer son riff de basse sur Nice 'n' Sleazy. Pas mieux !
En ouverture de soirée Brother Junior est venu jouer un indie rock penchant americana très bien ficelé. D'abord aérée, la salle s'est remplie pendant le set et le public a bien mordu à l'hameçon du groupe emmené par Jullien Arniaud allant jusqu'à reprendre en chœur le refrain de I Deserve Love, single issu de leur Ep Buck Up. Le meilleur compliment sera celui de Jean-Jacques Burnel encore une fois, qui interpellera le public un peu plus tard au sujet de Brother Junior d'un malicieux "Vous avez vu comme ils sont bons ? Pourtant ils sont Français !".
La suite est un gros kiff de deux heures. De Waltzinblack, leur légendaire intro, jusqu'à No More Heroes qui clôture le concert. Comme un symbole, les deux albums les plus représentés du show sont Rattus Norvegicus et Dark Matters, le premier et le dernier Lp. Une set-list impeccable où vont défiler les titres emblématiques du groupe Toiler On The Sea, Always The Sun, Peaches, Hanging Around, European Female, Walk On By avec une mention spéciale pour La Folie, et surtout Golden Brown magnifiquement jouée et chantée par Baz Warne.
Les nouvelles chansons prennent une belle envergure en live et s'intègrent parfaitement aux anciens morceaux. Water, This Song, The Last Men On The Moon, ont toutes "la marque" des Stranglers. Orgue ensorcelant, et basse agressive et omniprésente. Jean-Jacques Burnel et Baz Warne se relaient au chant, soutenus par Jim Macauley et Toby Hounsham aux chœurs sur la plupart des titres. Le public est sage, attentif et visiblement ravi du spectacle. Il faut dire que Jean-Jacques Burnel y met du sien. Le bassiste franco-anglais fait comme à son habitude un festival de provocations, piquantes certes mais jamais méchantes. Florilège :
- Bonjour à tous, même aux gens là-haut au balcon, mais nous on s'adresse au peuple en bas...
- La différence entre un public anglais et un public français...l'alcool bien sûr !
- Précoce ! (à sa bouteille de bière qui déborde de mousse)
- Je vois qu'il y a beaucoup de retraités ici, j'ai la solution. Une idée de génie ! Macron devrait baisser l'âge de départ à la retraite comme ça les Français voudront travailler plus, juste par esprit de contradiction...
So British !
Le premier rappel est intime. Baz Warne et Jean-Jacques Burnel sont assis sans leurs jeunes camarades et interprètent The Line. Eloge du temps qui passe etdes rides que l'on dénombre sur un visage qui a vécu. Enfin, un bel hommage est rendu à Jet Black et Dave Greenfield avec l'émouvant And If You Should See Dave...Après ce doux moment, c'est au complet que les Stranglers reviennent pour un ultime tour de chant pied au plancher avec Go Buddy Go et No More Heroes. L'ovation du public salue un excellent concert et un succès mérité pour ce groupe toujours aussi charismatique et dont l'empreinte laissée dans le cœur des gens saute aux yeux et aux oreilles. C'est aussi clair que le mot "complet" écrit en grand à côté de chacune de leur date de tournée.
Il pleut des cordes, y'a du vent, le temps est pourri, direction le port de co' pour être totalement raccord. Il y a du beau monde dans le grand hall de La Carène ce soir. Christophe Miossec est là, salué respectueusement par les brestois qui le reconnaissent, sans être dérangé pour autant. On aperçoit également Gaëlle, chanteuse de Beth, groupe talentueux qui œuvrait il y a plus de vingt ans déjà et dont Robin Foster a émergé. La nouvelle génération est là aussi, Victor Gobbé (Lesneu, The Slow Sliders) est venu supporter ses potes de Baston, le premier groupe de la soirée. Ce soutien constant, ce lien fort et cette fraternité entre ces artistes, sont à souligner. Si Brest n'a jamais cessé d'être féconde côté scène musicale, c'est aussi grâce à cet état d'esprit.
C'est avec les excellentes Mixtapes "Mourir à Brest" que j'ai découvert Baston. Réunissant la fine fleur du Rock de la région brestoise, on y entend Lesneu, Bantam Lyons, The Slow Sliders, Djokovic, et quelques autres. Sur ces "compilations", les groupes réarrangent leurs propres compos, de manière plutôt brute et y ajoutent des témoignages sonores qui nous plongent dans une ambiance hypnotique et urbaine. C'est gris, c'est pas spécialement beau mais tellement authentique et intense. C'est exactement dans cette mouvance que s'inscrit la musique de Baston. Sur leur album La Martyre, chaque titre évoque une boîte de nuit finistérienne, parce que oui, on va tous crever, mais on va danser avant.
Sur scène, Baston est frontal, guitare réverb' qui oscille entre The Cure et Osees, basse vrombissante, batterie judicieusement mise en avant et un synthé omniprésent qui apporte une belle dimension ColdWave à la musique Garage/Psyché du groupe. Parfois cela m'a rappelé Mary Goes Round et rien que pour ça, merci à eux. Mention spéciale à Neptune et ses voix off, archives audios sur le rapport jeunesse/boîte de nuit (Y'a combien de gens qui dansent Nadège ?) et à Zodiac, autre moment fort du live. Belle reprise de Death In June, qui se mêle parfaitement au set., puis le concert se termine avec Viande, morceau saignant accompagné par la voix de Christophe Hondelatte narrant les histoires atroces extraites de "Faites entrer l'accusé". Terrible !
Assez inattendu au départ, Park est le mariage heureux et captivant de Lysistrata et de Frànçois Marry (de Frànçois & The Atlas Mountains). Le choc fructueux entre la force et l'intensité des uns avec la pop élégante et étoffée de l'autre. Un vrai tour de force à l'arrivée puisque Park ne ressemble à aucune de ses deux formations mères. Ben Amos Cooper, à la batterie, alterne le chant avec Frànçois Marry à la guitare, Théo Guéneau et Max Roy, guitare et basse, complètent le tableau, tous sur la même ligne au devant de la scène, unis comme un seul homme.
Les chansons sont étendues et volontairement musclées par rapport à la version album. Upon A Rose, moment fort du set, qui se termine dans un déluges de décibels en est une belle démonstration. A Day Older, Réveil Heureux, Ghost, les mélodies sont soignées et robustes. Les quatre garçons sont intenables et prennent un plaisir visible à se produire ensemble sur scène. Plaisir qu'ils vont partager un peu plus en faisant monter une personne du public pour jouer le "tambourineur" à leur côté sur Easy Living. Sur le dernier morceau, instrumental et puissant, Théo descend jouer dans le public et finit par laisser sa guitare à un spectateur qui se charge d'achever les festivités en faisant crisser les cordes sur le pied de micro. Sans prévenir, Park fait déjà figure de groupe solide et fait preuve d'une densité éclatante sur scène. À voir d'urgence !