samedi 18 novembre 2023

MICAH P. HINSON @ Festival Invisible #18 - 17 novembre 2023, La Carène - Brest

L'indispensable Festival Invisible a cette réputation de faire découvrir aux oreilles curieuses de véritables pépites musicales dénichées ça et là, dans les méandres de la scène underground internationale. Pour ma part, je garde des souvenirs mémorables des passages de Stanley Brinks, Rats On Rafts, It It Anita ou encore Motorama, pour ne citer qu'eux. Pour cette 18ème édition, la programmation de Micah P. Hinson est, encore une fois, un coup de maître de la part des organisateurs. L'Américain au parcours très cabossé (homeless, addictions, dépressions, accident grave...) est l'un des songwriters les plus talentueux de sa génération et ses prestations live, parfois inégales, sont toujours très intenses. Il y a plus de sept ans, je l'avais vu à Port Louis à La Chapelle Saint-Pierre pour un concert aussi incroyable que bancale et que je n'ai jamais oublié. Je me faisais donc une joie de le revoir après tout ce temps, même si, honnêtement, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre.


C'est d'abord le groupe Gros Cœur, venu de Belgique, qui avait ouvert les hostilités sur la scène du Hall. Distillant un Rock Psyché Tropical groovy et très dansant, les quatre lascards de Gros Coeur ont carrément enflammé le public à grand coup de percussions, guitares et jeu de basse à la Jah Wobble. Le style musical du groupe m'a rappelé le très bon concert des Québécois de Chocolat ici même en 2016 ou encore celui du groupe normand Cannibale venu à Brest en 2019. Irresistibles Java, Ventre Volcan, Monique... Je ne peux que vous conseiller l'écoute de Gros Disque, l'album de Gros Coeur. Gros Kif assuré ! (Je n'ai pas pu m'en empêcher).



Micah P. Hinson, natif du Tennessee, est un descendant direct du peuple Chickasaw, une de ces communautés vivant il y a plusieurs siècles en Amérique, avant la création des Etats-Unis. L'homme est atypique : allure de cow-boy désenchanté et fragile, chapeau qui recouvre une longue tresse au milieu d'un crâne rasé, une guitare qu'il porte presque jusqu'au cou et surtout une voix incroyable, unique, cabossée qui donne à ses compositions une noirceur déchirante. Depuis vingt ans, il chante ses douleurs et ses inquiétudes dans un style dépouillé et tourmenté, qui s'apparente au genre Dark Folk ou Violent Country. Ce soir, dès les premiers morceaux joués, j'ai compris que personne ne sortirait d'ici indemne. Sur Ignore The Days, magnifique chanson de séparation, l'émotion est palpable. Le visage grave, les yeux humides...l'artiste se dévoile comme jamais et bouleverse le public dès le second morceau. Un frisson de dingue ! 



Il en sera de même pour le somptueux Does It Matter Now ? Encore une fois, vu la beauté de la compo, on ne peut que valider le fait que les ruptures sont à l'origine des plus belles chansons d'amour. Attention, pas de supplication "à la Jacques Brel" chez Micah P. Hinson, mais plutôt un constat sombre et froid sur un désastre relationnel et le gâchis qui en résulte. Malgré son air triste, Micah P. Hinson n'est pas sans humour : "La prochaine chanson a été écrite par un Canadien, donc ne me blamez pas trop..." lâche-t-il sourire en coin avant de reprendre Tinseltown Swimming In Blood des Destroyer. Les pépites s'enchainent : People, Oh No, Carelessly, le sublime Beneath The Rose mais aussi Walking On Eggshells et son couplet de cinglé : "One, two, three, four, gimme a hammer and i'll show you your brain/Un, deux, trois, quatre, donne-moi un marteau et je te montrerai ta cervelle...".

Micah P. Hinson est accompagné sur scène de Paolo Mongardi à la batterie. Le musicien italien alterne silences, coup feutrés, jeu doux sur cymbales et tempo puissant selon le morceau. C'est parfaitement exécuté et le rendu est vraiment excellent. Les regards satisfaits que lui lance le chanteur en disent suffisamment sur la bonne entente entre ces deux-là. Ils quittent la scène après Tell Me It Ain't So, rare morceau ou Micah P. Hinson troque sa guitare sèche pour une électrique. 

 

Le rappel ne se fait pas attendre, et c'est Please Daddy (don't get drunk for Christmas), splendide reprise de John Denver, qui figure sur I Lie To You le dernier album de Micah P. Hinson, dont sept titres seront joués ce soir. Une belle et amusante dédicace à sa compagne (qu'il harcèle de demandes en mariage) sera faite avant There's Only One Name, pur morceau country qui aurait mérité un banjo pour coller encore mieux à l'ambiance. Le dernier titre joué est Diggin' A Grave, hymne funèbre et entraînant datant de 2006 et remis en lumière cette année en tant que générique de la très bonne série Des Gens Bien  diffusée sur Arte. Le concert s'achève là, sous les ovations d'un public encore sous le coup d'avoir encaissé autant de sincérité et d'authenticité de la part d'un artiste unique, bouleversant et dans un très bon jour.


Après un concert pareil, j'avoue sans détour n'avoir jamais pu entrer dans le rock déjanté et avant- gardiste de Badaboum qui a pris le relais sur la scène du Hall. On pense à Yoko Ono, sur des paroles en allemand, le tout sur un tempo inégal et volontairement agressif. Pas facile d'accès et définitivement pas mon truc. Le public, lui, était nombreux et bien regroupé devant la scène et m'a semblé apprécier et c'est bien là l'essentiel. Je reporte à plus tard ma découverte de Piët Du Congo qui clôturait la soirée. je suis resté bloqué sur la prestation de Micah P. Hinson et j'ai bien du mal à descendre de mon nuage pour écouter autre chose pour le moment.



Jérôme

vendredi 17 novembre 2023

ALELA DIANE @ L'Archipel, 16 novembre 2023 - Fouesnant

Soirée sold out depuis longtemps, le public avait bien compris que L'Archipel était le lieu idéal pour accueillir Alela Diane pour son étape bretonne, à mi-parcours de sa grande tournée française (16 dates). Lumières tamisées, confort, son exceptionnel et un public hyper attentif, attendant jusqu'au lointain écho de la dernière note pour applaudir. De quoi savourer pleinement les superbes mélodies folk et la belle voix de l'américaine.


Accompagnée des talentueuses Mirabai Peart (violon, flute et chant) et Heather Woods (batterie, guitare, flute traversière, piano et chant) Alela Diane a offert au public breton un moment suspendu d'une heure et demie, où, comme déconnecté, écarté de toute l'agitation du monde, L'Archipel s'est retrouvé plongé dans une ambiance douce et enveloppé d'une nostalgie réconfortante. Le concert a débuté directement sans la première partie prévue (Mariee Siou) et pour celles et ceux qui, comme moi, découvrait (enfin) Alela Diane sur scène, ce fût un grand moment de dépaysement total hors du temps. Une échappée belle, une virée vers les plaines et les étendues du grand Ouest américain. All The Light, Camelia et Colorado Blue, joués en première partie de set, en sont de parfaites cartes postales. 


L'éclairage faible et délicat colle parfaitement à l'ambiance intimiste du concert. Au milieu du set, Alela Diane propose judicieusement au public une parenthèse solo pour interpréter quelques titres à la guitare et au piano. D'abord le superbe The Rifle, avant de demander directement au public quelle chanson il souhaite entendre. Réponse directe venue des premiers rangs : Tired Feet. Vœux immédiatement exaucé pour ce qui sera l'un des plus beaux moments du concert. Autres instants de grâce de la soirée à mes yeux et mes oreilles : When We Believed issu de son dernier album Looking Glass ainsi que The Wind issu, lui, de son troisième Lp : Alela Diane & Wild Divine.


Ether & Wood, The Threshold, impossible de ne pas penser à Joan Baez ou Joni Mitchell à l'écoute de ces deux superbes ballades. Après vingt ans de carrière, six albums et de nombreuses collaborations, Alela Diane peut sans rougir s'assoir à la table de ses glorieuses ainées. Elle est aujourd'hui elle aussi et  sans conteste, une des voix incontournables de l'indie folk. Après le somptueux Of Love, c'est déjà l'heure du rappel. Oh! My Mama joué en solo, avant un final à trois sur l'incontournable The Pirate's Gospel, que le public accompagne d'un tempo d'applaudissement et qui vient clôturer un set éblouissant. Le concert était parfait. Que puis-je vous dire d'autre ? Courez voir Alela Diane !

 

Jérôme

mercredi 1 novembre 2023

THE INSPECTOR CLUZO @ Run Ar Puñs - 31 octobre 2023 - Châteaulin

The Inspector Cluzo possède un lien fort avec le Run Ar Puñs. Une amitié sincère avec Jakez, le maître des lieux, des racines rurales communes, et un historique live marquant dans l'histoire de la salle châteaulinoise. Le concert affichait complet depuis longtemps et le groupe a rajouté une seconde soirée (elle aussi sold out) pour satisfaire un maximum de monde. Le set est précédé de la projection du doc "Running A Family Farm" qui montre le quotidien des habitants de la ferme du Casse où travaillent Malcolm et Phil. Les deux membres de The Inspector Cluzo sont des fermiers musiciens et concentrent tous leurs efforts à faire prospérer un modèle vertueux d'agro-écologie tout en continuant à autoproduire leur musique. Un sacré challenge et une démarche noble qui ne peut qu'être saluée. 

Toujours très élégants, The Inspector Cluzo prend place sur la scène. Phil accroche son béret au dessus des micros qui surplombent sa batterie, Malcolm empoigne sa Gibson et le concert débute. "On est moins loin qu'aux Vieilles Charrues ici, on va faire un vrai concert de club, on va retourner tout ça !". La part belle au dernier album du groupe (le 8ème !) intitulé Horizon, avec d'emblée Act Local, Think Global. Un nouvel opus toujours très Rock, avec Saving The Geese, dont le son et le jeu de guitare m'ont rappelé Jay Mascis de Dinosaur Jr, Running A Family Farm...et l'irrésistible Armchair Activist qui fait un gros effet dans le public.

 

The Inspector Cluzo sait aussi calmer le jeu mais sans jamais baisser d'intensité. La voix de Malcolm est toujours aussi impressionnante et donne la chair de poule sur la belle ballade Swallows et sur The Outsider, un Blues magistral. Coté reprise c'est du tout bon également avec le fameux Hey Hey My My de Neil Young et le tout aussi bon Almost Cut My Hair de David Crosby que le groupe joue plus rarement. Toujours prompt à parler de la Gascogne et des Landes, Malcom cite Félix Arnaudin, poète et photographe gascon, il évoque l'éducation et la richesse du monde rural, la culture régionale et les langues anciennes. Autant de sujets qui parlent aux Bretons, le public adhère totalement. 



"On va accélérer un peu maintenant...On va transformer ce lieu en vieux club du fin fond de l'Oklahoma". Le moment fort du set est incontestablement Rockophobia ! Morceau bluesy rageux où il est question de mort du Rock et de la bite d'Iggy Pop...si si ! (Iggy qui fait d'ailleurs un featuring sympa à la fin du morceau sur l'album). Le public est mis à contribution pour les chœurs. "C'est nul ! On se croirait à Rock en Seine..." s'exclame Malcolm toujours taquin ! Réaction immédiate et c'est tout le Run Ar Puñs qui chante à l'unisson l'instant d'après. Grosse grosse ambiance ! Les cymbales sont jetées au sol, c'est déjà l'heure du dernier morceau, le fameux Puts Your Hands. Phil continue à jouer sur ses fûts dispersés, debout sur la grosse caisse renversée et devant son compère qui se déchaîne sur sa guitare pour ce rituel final. Ovation de toute la salle et salutations "à la Inspector Cluzo", sans manquer de remercier et d'applaudir chaleureusement l'équipe qui remplace Malcolm et Phil à la ferme.

Après notre rendez-vous manqué aux Vieilles Charrues cette année (nous étions partis à la fin des Red Hot' et avant leur concert pour éviter les bouchons), nous nous étions promis de revoir les RockFarmers gascons au plus vite. C'est chose faite et toujours avec autant de plaisir puisque c'était la troisième fois que nous les voyions. Trois fois au Run Ar Puñs : jamais déçus.

J & A

Mise à jour : La seconde soirée de concert est finalement annulée par la Préfecture en raison des conditions météo à venir dans la nuit du 1 au 2 novembre.