samedi 3 octobre 2020

Elliott Murphy @ Salle Cap Caval, 2 octobre 2020 - Penmarc'h

Les festivals et les concerts font partie de notre ADN. Être contraints d'y renoncer, depuis 7 mois, est un vrai déchirement. Au printemps, nous étions nombreux à penser qu'en septembre tout ceci ne serait plus qu'un vieux souvenir pénible. Il n'en est rien, et la situation est devenue très critique pour l'ensemble des professionnels du spectacle. Milouze En Live tient à apporter un soutien total aux artistes, musiciens, organisateurs, programmateurs, producteurs, techniciens, afficheurs, à toutes celles et ceux qui subissent de plein fouet cette crise sans précédent.

On ne va pas se mentir, la venue de Elliott Murphy à Penmarc'h en cette sombre période est une véritable bouffée d'oxygène. C'est un des rares concerts de la région qui n'est pas annulé ou reporté. Un événement devenu précieux et que l'on doit à la volonté commune, des organisateurs et de l'artiste. Alors oui! Tandis que la tempête Alex s'abat avec force sur la Bretagne depuis hier, Elliott Murphy, sur scène ce soir, c'est le phare d'Eckmühl. Avec, à la louche, 35 albums en près de 50 ans de carrière, la comparaison avec le gigantesque édifice de pierre, qui se dresse quelques centaines de mètres plus loin, n'est pas usurpée. Un monument, un guide au beau milieu du chaos. 

La première partie du concert est assurée par Alan Le Berre, jeune artiste local pris de passion pour le Rock'n Folk. Le set est partagé entre compositions aux textes engagés et covers habillement choisies. City Of New Orleans de Steve Goodman (le Salut Les Amoureux de Joe Dassin), La Route de Michel Corringe, Proud Mary de Creedence Clearwater Revival, Folsom Prison Blues de Johnny Cash et Johnny Be Good de Chuck Berry en rappel. De belles références que les spectateurs récompensent par des applaudissements nourris. Une entrée en matière réussie pour le Penmarc'hais. 



Elliott Murphy entre en scène, salue le public et clame haut et fort « Toujours vivant! ». Et visiblement en pleine forme, lui, désormais septua. Il est entouré de deux musiciens de grand talent. La violoniste australienne Melissa Cox et le guitariste normand Olivier Durand, complice de scène qu'Elliott Murphy considère comme son frère tant la connexion est grande entre eux. Le "Murph Street Band" en quelque sorte. Le set débute avec Drive All Night, qui aurait pu être rebaptisé Drive All Day quand on pense au calvaire qu'ils ont enduré pour arriver en pays Bigouden. Partis depuis 7h ce matin en train, bloqués à Rennes à cause d'un arbre tombé sur la voie, réinstallés dans un TGV qui tombe en panne, puis dans un TER qui tombe en panne à son tour et finalement récupérés à Vannes par un taxi dépêché par Cap Caval, lui aussi bloqué vers Quimper à cause d'un arbre sur la route. Incroyable chemin de croix pour arriver juste avant 20h à Penmarc'h. De quoi générer encore plus de respect pour ces 3 artistes qui ne laissent rien transparaître de leur fatigue, bien au contraire. 


Il n'y a aucun round d'observation. L'osmose entre le public et le groupe est immédiate. Made In Freud, Deco Dance, I Want To Talk To You, la sélection faite dans la discographie du song-writer est parfaite. Melissa Cox, au violon, excelle à la façon de Scarlet Rivera qui illuminait les titres de Dylan sur l'album Desire. Entre les différents titres joués ce soir, Elliott Murphy se laisse aller à quelques confidences : « 7 mois de vacances, je n'ai jamais eu ça depuis 45 ans! Je ne sais pas ce que vous avez fait pendant le confinement? Moi, j'ai beaucoup regardé la télé, applaudi les infirmières tous les soirs, beaucoup mangé et je me suis pas mal disputé avec ma femme aussi. Nous n'avions pas le temps de nous disputer avant! ». 

Écrite avant que le virus Covid-19 ne s'empare du monde, Elliott Murphy dédie What The Fuck Is Going On? à l'année 2020. Chanson qui dénonce les dérives des économistes et dont le titre colle à merveille à l'époque actuelle. « Comment peut-on traduire ça en français? », demande-t-il à ses musiciens. La meilleure réponse jaillie du public : « C'est quoi ce bordel? ». L'enchaînement qui suit est un vrai délice : Fix Me A Coffee, Navy Blue et You Never Know What You're In For. Trois magnifiques ballades, qui, chacune à leur manière, vous captivent et vous émeuvent. C'est l'écriture, la mélodie, la présence, la voix, le regard, l’honnêteté...tout ce qui fait d'Elliott Murphy l'un des meilleurs de sa génération. Il n'y a qu'à écouter le formidable On Elvis Presley's Birthday pour s'en rendre compte. 


 

Le concert touche à sa fin, le groupe joue deux "classiques" repris en chœurs par l'ensemble du public. Sur A Touch Of Kindness, Olivier Durand dégaine un splendide solo tout en maîtrise. Guitariste attitré depuis 25 ans, c'est aussi grâce à lui si les concerts d'Elliott Murphy sont aussi bons. Un peu plus tard, sur Come On Lou-Ann, il se livre à une vrai battle avec Melissa Cox, le violon répondant du tac au tac à la guitare, pour un plaisir total côté scène et côté gradins. On a cru, environ un quart de seconde, à la venue de Springsteen sur la scène de Cap Caval lorsque Elliott Murphy s'est tourné vers le backstage s'exclamant « Come on Bruce! ». En attendant un retour du Boss en 2022, d'après les confidences de son vieil ami, Elliott Murphy reprend Better Days puis nous offre une chanson inédite et encore jamais jouée sur scène : Hope. Comme un symbole.

 

Longuement ovationnés, les trois artistes quittent la scène, véritablement émus d'avoir enfin rejoué devant un public. Une émotion et une joie partagées avec les spectateurs qui sortent doucement de la salle en se foutant pas mal de la tempête qui fait rage. Ça fait un bien fou!


                                                                                                                                                   Jérôme

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