Les deux artistes, invités ce soir à distribuer un peu de baume au cœur au public réparti dans le hall de La Carène, sont Rotor Jambreks et Bror Gunnar Jansson. Deux "one man band", désormais à la tête d'une poignée de robots musiciens pour l'un et d'un ténébreux trio Blues pour l'autre. En raison des exigences sanitaires, la Carène s'est muée en cabaret et le concert se déroule dans le grand hall de la salle brestoise. Cette configuration, déjà testée à de nombreuses reprises, est un très bon compromis, tant le son et la visibilité sont excellents. Si l'ambiance est moins brûlante, et puisqu'il faut bien faire avec, ce mode concert intimiste a le gros avantage d'offrir aux spectateurs attablés devant la scène, un live d'une proximité rare et dans des conditions finalement très confortables. Alors pas d'excuses, on continue d'aller aux concerts!
Il a beau être entouré de robots musiciens, c'est plutôt un voyage dans le passé que nous propose Rotor Jambreks, avec sa nouvelle création : Rotorobots. Plus Retrogaming que I.A. Plus Planète Interdite que Blade Runner. Les musiciens robots sont en charge d'une partie de la section rythmique ainsi que d'une guitare supplémentaire. Le reste, (guitare, chant, grosse caisse et caisse claire) est joué par "L'humain", comme l'annoncent les machines en début de set. Plus qu'un concert, un concept!
Quelques nouveaux morceaux, bien ancrés Rock 90's, sont présentés ce soir, dont un somptueux Fire With Fire qui fleure bon le Soundgarden de Chris Cornell. Entre chaque titre joué, les robots interviennent maladroitement et amusent le public, comme lorsque la voix "GPS" remercie chaleureusement le public de - nom de la ville - ou lorsqu'elle est incapable de lire correctement When This Is Through, le prochain titre à jouer (comme quand mon GPS essaie de prononcer Penmarc'h ou Le Faou). Le set s'accélère un peu plus sur la fin avec notamment Boiling Point, Cut Loose et Under The Carpet. Riffs Blues/Rock, mélodies Pop, rythmiques Swing, Rotor Jambreks sait tout faire et le prouve encore une fois ce soir. On se quitte après les remerciements de rigueur : « Thank You - nom de la ville -». Épatant.
J'avais en tête le magistral concert de Bror Gunnar Jansson aux Vieilles Charrues en 2019. Ce jour-là, j'avais pris une belle claque, et sans sommation. En configuration 360° et ras-du-sol, le suédois avait littéralement retourné le chapiteau Gwernig, laissant à toutes celles et ceux qui étaient présents, le sentiment d'avoir assisté à l'un des grands moments de l'édition. Je retrouve chez lui quelque chose que j'aime beaucoup : l'authenticité de CW. Stoneking et la noirceur de Timber Timbre. Il me tardait de le revoir. L'entrée en scène est précédée d'une bande son très lugubre (morceau de piano dont j'ignore l'auteur). Un fond sonore de circonstance quand on connait les textes macabres que chante Bror Gunnar Jansson. Il chante les meurtres sordides, les féminicides, les crimes atroces. Sa musique prend sa source essentiellement dans le blues. Le blues poisseux, le blues aux mains sales. La musique parfaite pour la lecture du Dalhia Noir ou d'American Psycho. Le groupe s'installe et débute avec Body In A Bag. Le ton est donné.
Premier gros frisson sur God Have Mercy, superbe prière hurlée, qui fait planer d'un coup le fantôme de Robert Johnson au dessus de nos têtes. Le rythme s'accélère sur There's A Killer On The Loose, où Bror Gunnar Jansson pose ses premiers solos pendant que Stefan Bellnäs (basse) et Emanuel Svensson (batterie) maintiennent un tempo très tendu. Nul besoin d'inventer des histoires à faire peur, la réalité est suffisamment terrifiante. C'est ce que raconte Machine ou comment, en 2017, Peter Madsen a assassiné la journaliste Kim Wall venue faire un reportage à bord de son sous-marin. Dans Breathe, son dernier titre sorti cet été, Bror Gunnar Jansson évoque les derniers instant de Georges Floyd, victime des violences de la police américaine. Mention spéciale au superbe Det Stora Oväsendet (le grand tumulte en Suédois), morceau instrumental de plus de 10 minutes, où 9 notes résonnent en répétition, tel un carillon funèbre.
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Jérôme
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