Mathieu Boogaerts vient jouer au Vauban pour la quatrième fois, à l'occasion de la sortie de son neuvième album intitulé Grand Piano. Il semble aussi heureux que le public d'être là et déboule sur scène seul sans tambours ni trompettes cinq minutes avant l'heure annoncée. Il nous présente illico son "grand piano", alias son groupe de trois musiciens qui le rejoignent sur scène depuis le fond de la salle. La seule fois que j'ai vu Mathieu Boogaerts en concert, ici même, il y a 22 ans, il était seul sur scène et projetait sur un écran un groupe qui l'accompagnait. Je me rappelle aussi d'un faux rocher sur lequel il se posait avec sa guitare. Un très bon souvenir qui ne demandait qu'à être ravivé ce soir.
Vêtu de la même chemise jaune qu'il porte dans son dernier clip, Mathieu Boogaerts explique avoir écrit le nom des toutes les chansons qu'il va jouer ce soir sur des petits bouts de papier entassés dans sa poche. Hormis la première et la dernière, l'idée est donc d'en tirer au sort l'ordre au fur et à mesure de la soirée, rendant ce concert unique. Idée originale qui colle bien au personnage. Le concert débute tout en douceur avec Faut Pas Que J'oublie, magnifique chanson qui ouvre également l'album Grand Piano. Vient ensuite ce qui va être le rituel de la soirée : main au fond de la poche, lecture du petit papier (sans en souffler mot au public), annonce discrète au musiciens, indications d'éclairage et c'est parti ! Lumière rouge, fesses qui frétillent en rythme c'est Bas De Laine qui est le premier titre sorti de la poche, suivi de Bancal et du magnifique Avant Que Je M'ennuie.
Je suis vraiment admiratif des sons de Mathieu Boogaerts. Il est l'un des seuls, je trouve, à manier aussi bien la musicalité des syllabes et des mots, la phonétique dans les textes. Plus Jonasz que Nougaro, Plus Annegarn que Gainsbourg, Mathieu Boogaerts mêle admirablement poésie et rythmiques jazzy ou bossa comme sur Come To Me ou Vallée. La danse n'est jamais loin. Entre les chansons et le rituel du tirage au sort, l'artiste est bavard, pour le plus grand plaisir du public. On se régale de le savoir incapable de prononcer le mot insatisfaction ou de le voir déboutonner sa chemise au fil du concert, quitte à faire un peu kéké comme il le dit en souriant. Une cool attitude qui me rappelle Philippe Katerine, Vincent Delerm ou Mac DeMarco, et tout comme eux, Mathieu Boogaerts, sous son air timide et un brin maladroit, est un grand charmeur. Et comment ne pas succomber à Ma Jeunesse, Bien ou Vegas, Annie ou encore Une Bonne Nouvelle ?
Malgré les interrogations de l'artiste à ce sujet à un moment, j'ai trouvé le son du Vauban vraiment excellent. L'auditoire, dans la poche depuis longtemps, se déhanche et chante en chœurs sur On Dirait Que Ça Pleut et pour ma part, je savoure Bel Et Bien Là, ma chanson préférée du répertoire de Mathieu Boogaerts, revisitée ce soir en version plus musclée, façon Sultans Of Swing, puisque comme il l'explique au public, il ne supporte plus la façon dont il chantait il y a trente ans sur son premier album Super. Le hasard nous place les tubes en fin de set, Comment Tu T'appelles ?, Le Ciment et l'incontournableOndulé. Mention spéciale aux musiciens qui accompagnent Mathieu Boogaerts sur scène : Jean Thévenin à la batterie, Vincent Mougel à la guitare et au clavier et Elise Blanchard à la basse, tous les trois impeccables et complétant parfaitement leur ainé. Le concert s'achève après deux rappels durant lesquels sont joués C'est Beau La Vie, Pourquoi Pas puis le bien nommé C'est Pas Drôle que Mathieu Boogaerts joue pour la deuxième fois seulement et dédie à l'horrible Trump qu'il souhaite voir mourir et à qui il envoie, avec l'aide du public, des salves de rires jaunes comme un sortilège maléfique que l'on espère le plus puissant possible. Excellent concert !
"Quatre concerts et trois résidences ici ! Je suis le recordman en la matière, d'après l'organisateur. On se demande bien pourquoi ?", annonce malicieusement Dominique A devant la salle comble de l'Archipel. Pour sa première date de l'année, il a choisi Fouesnant comme rampe de lancement de cette tournée intimiste sans être solo. Dominique A est accompagné sur scène de Julien Noël aux claviers et de Sébastien Boisseau à la contrebasse, deux musiciens qui officiaient déjà à ses côtés lors de la précédente tournée il y a deux ans. Pour ma part, c'est la septième fois en dix ans que je le vois en concert. On se demande bien pourquoi ?
Le truc avec Dominique A, c'est que l'on n'assiste jamais au même concert. Chaque tournée est différente et pas seulement à cause de la sortie d'un nouveau disque. Avec plus de trente ans de carrière et une quinzaine d'albums au compteur, l'artiste dispose d'un impressionnant vivier de chansons qu'il sélectionne et revisite en fonction de la texture qu'il souhaite donner au spectacle. Tantôt électrique et nerveux, tantôt acoustique et délicat. Les deux styles lui vont bien. La simplicité, qu'elle soit dans le furieux ou dans le doux, sied le mieux à Dominique A, la poésie de ses textes en ressort magnifiée. À chaque tournée, ses chansons sont souvent retravaillées et le public peut ainsi les recevoir sous un tout autre angle, à l'image du Courage Des Oiseaux, La Poésie ou encore Dernier Appel De La Forêt, présentée ce soir en mode distorsion.
Le public est attentif et savoure, comme moi, le moment. Dans son répertoire de chansons, Dominique A est allé en chercher quelques unes que l'on entendait peu en live ces dernières années comme Sous La Neige, Elle Parle À Des Gens Qui Ne Sont Pas Là, La Relève ou encore le superbe La Douceur qui figure sur l'album "bonus" Autour d'Éléor. Le trio est impeccable, on ne décèle aucune hésitation ou flottement pour cette première. Il est important de souligner également la qualité du son et du light show sobre, raffiné, parfaitement cohérent avec l'ambiance du concert. La lumière rouge sur Music Hall, la froideur sur Corps De Ferme À l'Abandon, ou l'éclairage jaune qui transperce le chanteur sur Le Sens...bref, c'est une vraie réussite.
Deux inédits extraits du dernier ouvrage de Dominique A sont joués ce soir, Les Animaux et le superbe L'Humanité. Encore une fois un texte puissant et tellement bien écrit. La poésie est partout. Et que dire de Valparaiso, Immortels, (en mode réverb aérien), Tout Sera Comme Avant et Au Revoir Mon Amour que la salle entière applaudit dès les premières notes jouées. Touché, Dominique A remercie chaleureusement le public : "Tous réunis, nous sommes une antidote à l'air du temps...dont on ne parlera pas ce soir". Le set se termine avec l'entrainant Par Le Canada, titre provenant de l'album Éléor dont six morceaux seront joués ce soir pour mon plus grand bonheur, puisqu'il est mon préféré.
De retour sur scène pour un rappel fortement réclamé, Dominique A répète une dernière fois tout le plaisir qu'il a eu à jouer une nouvelle fois à l'Archipel. "Cette salle est superbe, et ce n'est pas dans les Pays de la Loire donc ça va continuer à bien se passer...". C'est dit ! Un tacle propre et mérité pour le conseil régional des Pays de la Loire, en référence aux importantes coupes budgétaires pour la culture votées par ce dernier avec une désinvolture hallucinante. Allez, profitons de cette ultime tour de chant, Quelques Lumières, L'Océan, le Twenty-Two Bar, Éléor et un final magnifique avec une chanson qui parle de l'Amérique, celle du siècle dernier : Oklahoma 1932. Là non plus, on n'en dira pas plus. Standing ovation, forcément.
Un mois et demi sans concerts... Autant dire que j'étais tel un ours en hibernation. Alors Didier Wampas Psycho Attack !!!, il fallait au moins ça pour me sortir de ma grotte et ainsi lancer pour de bon cette nouvelle année de concerts et de festivals. Cerise sur le gâteau, le show se déroulait à La Loco de Quimperlé, une toute nouvelle salle de spectacle à la splendide déco Steampunk et à la programmation allant du Jazz au Punk. Plus qu'un simple lieu de concerts, La Loco se veut être une véritable coopérative culturelle et associative, prête à tracter mille et un projets : expos, danses, rencontres, formations, bars, coworking, etc... Mais pour l'heure, place au roi Didier Wampas période psychobilly, éloignez-vous de la bordure du quai... Attention au départ !
J'ai découvert les Wampas en 1993 avec leur 4ème album intitulé Simple et Tendre, le premier enregistré sans le guitariste Marc Police, décédé l'année précédente. Il n'en sera pas question ce soir puisque le projet DWPA nous replonge essentiellement dans les 3 premiers albums des Wampas. Une belle occasion d'entendre d'anciens titres iconiques et d'autres moins connus issus de Tutti Frutti, Chauds Sales et Humides et de Les Wampas Vous Aiment, mon album favori. En attendant le début du concert, je peux tranquillement faire un tour du propriétaire et admirer ce lieu atypique où l'on se sent bien immédiatement, parce qu'en plus d'être jolie et bien agencée, La Loco fourmille de personnels et bénévoles carrément sympas. En fond de scène, le panneau bois géant d'une locomotive en perspective me rappelle la déco de scène d'AC/DC lors du Black Ice World Tour. Très chouette !
C'est parti ! Le groupe entre en scène à 21h pile. Dans cette configuration, on retrouve Gaybeul à la batterie, Thomas à la contrebasse et Effello à la guitare. Ce dernier, en plus d'avoir sa propre formation : Effello & Les Extraterrestres, est le guitariste permanent des Wampas depuis une dizaine d'année maintenant. À l'image de Léopold Riou avec Matmatah, son arrivée chez les Wampas a donné un coup de fouet salvateur et un vrai regain de jeunesse au groupe. Enfin, vêtu de la même chemise rose hawaïenne qu'il portait au Hellfest l'éte dernier lorsque le groupe s'y est produit, Didier arrive et le set débute avec Marie-Lou et Wampas le bien nommé.
À63 ans, Didier Wampas est toujours aussi généreux et intenable sur scène. Par où commencer ? Dès la 3ème chanson, Houa Houa Hou, le punk ouvrier se retrouve dans le public où il passera près de la moitié de son concert, dansant, pogotant, criant et chantant comme sur Snuff, Ballroom Blitz, Dracu Pop ou Vautours. Dans le public mais aussi au dessus et même en dessous sur Ver De Terre, où Didier fait le tour de la salle en rampant sur le dos et en chantant que cette danse est pourrie et qu'il faut vraiment être inadapté, attardé ou alcoolique pour danser comme un lombric. Complètement dingue et génial ! Une Bombe Sur Washington, écrite initialement pour charrier les Washington Dead Cats, autre groupe de psycho des années 80, pourrait dans le contexte actuel résonner différemment, c'est l'un des moments forts du concert. Mais il y en a eu tant !
Je ne me lasserai jamais des textes de Didier Wampas. Ceux qui nous touchent, nous font sourire, ceux qu'on ne comprend pas, ceux qui nous font lever le poing, ceux qui sont absents comme sur C'est Facile De Se Moquer ou Yeah Yeah. Et puis il y a ce sens inné du show et des interjections Rock'n Roll. Personne d'autre que lui ne maitrise aussi bien les Wouaouh, les Yeah, les Shalala ou les Han Han. Ça envoie grave avec ou sans paroles. Il est le seul à mêler aussi bien les codes de la variété et du punk. Capable de pogoter et de venir hurler à 10 cm du visage d'un spectateur puis, 5 minutes plus tard, d'interpréter sa chanson suppliant, main sur le cœur et doigt pointé vers le public façon je chante pour toi. J'adore ! Mention spéciale aux superbes J'ai Quitté Mon Pays, L'Éternel, Rien À Foutre et Eccl. 5:1 ma préférée. Autre grand moment de la soirée, Vie, Mort Et Résurrection D'un Papillon, chantée au milieu du public par Didier Wampas, encore une fois totalement habité et semblant complètement épuisé.
Mais ce n'était qu'un leurre, dans la foulée l'infatigable DW se retrouve à escalader le balcon de la Loco, près du poulpe qui y est accroché, pour accéder à la mezzanine et y ramener une chaise qui ressemble fortement à un trône. Il se retrouve ensuite porté par son public sur Jungle Rock tandis que, sur scène, Effello, Gaybeul et Thomas maintiennent un tempo d'enfer. Généreux jusqu'au bout, Didier Wampas joue devant 400 personnes exactement comme il le fait devant des dizaines de milliers à la warzone du Hellfest. Une énergie toujours aussi impressionnante, une loyauté sans faille envers son public qui le lui rend bien et ça fait plus de 40 ans que ça dure ! Longue vie au Roi Didier, longue vie au Wampas !